THE RESIDENTS
Le Voyage à Nante
Musée des Compagnons
Nantes _ 2014
ACID RAIN
In Extenso
Clermont-Ferrand _ 2014
CECI ÉTAIT, CECI N’ÉTAIT PAS Part I
Les Turbulences - FRAC Centre
Orléans _ 2014
CECI ÉTAIT, CECI N’ÉTAIT PAS Part II
CHD Daumezon
Fleury les Aubrais _ 2014
- JUST BESIDE, I PREFER
Galerie Joseph Tang
Paris _ 2013
SANS TITRE
L'art dans les chapelles
Séglien _ 2013
VESTIGE
Palais de Tokyo
Paris _ 2012
SANS TITRE
(MUR À BASCULES)
Wall Art Fair
Lyon _ 2012
SATURNIA PIRY
Estuaire
Nantes _ 2012
VIGIE
Palais de Tokyo
Paris _ 2012
CARLINGUE
40mcube
Rennes _ 2011
DÉCOUVERTE
40mcube
Rennes _ 2011
SANS TITRE (PORTES)
Plateforme
Paris _ 2012
TIME LINE
Tripode
Rezé _ 2009
SAS (Version B)
École des Beaux-Arts
de Châteauroux _ 2011
SANS TITRE (LA PISTE)
École des Beaux-Arts
de Châteauroux _ 2011
SANS TITRE
(LANGUE DE BOEUF)
École des Beaux-Arts
de Châteauroux _ 2011
SANS TITRE (PORTES-CORPS)
École des Beaux-Arts
de Châteauroux _ 2011
SANS TITRE (FUSÉE)
École des Beaux-Arts
de Châteauroux _ 2011
SANS TITRE
(MUR À BASCULES VERSION B)
Château de Kerpaul
Loctudy _ 2012
JOHNNY VINGT-TROIS
> Public
Paris _ 2005
THE HABITATION
OF THE SPIDER
Sarajevo _ 2009
TABLE SOUS PRESSION
Fondation d'entreprise Ricard
Paris _ 2008
INVADER
Fondation d'entreprise Ricard
Paris _ 2008
SILENT REJECTION
Instants Chavirés
Montreuil _ 2010
ANNEXE
C.A.C Passages
Troyes _ 2011
CHECKPOINT
Musée des Abattoirs
Toulouse _ 2007
SANS TITRE
2010
LE PARFAIT FLÂNEUR (PALAIS DE TOKYO HORS LES MURS)
En résonance avec la Biennale de Lyon
10/09 _ 04/10/ 2015
Halle Girard, Lyon
infos :
www.palaisdetokyo.com/fr/exposition/le-parfait-flaneur-hors-les-murs
JOHNNY VINGT-TROIS par Émilie Renard
Johnny vingt-trois est un dispositif sculptural complexe. Il fonctionne à la fois comme un décor pour des sculptures et étend ses dimensions sculpturales à la totalité du lieu d’exposition, les parties et le tout se superposant en un fondu enchaîné. Divers traitements sculpturaux cohabitent ici : moulages rudimentaires en plâtre d’objets à échelle un (postes informatiques et plantes), objets traités selon des codes ornementaux inappropriés (masses en bois aux moulures typiques d’un mobilier Louis Philippe posées sur des pieds d’animaux empaillés), trompe-l’oeil répartis sur toute l’architecture de l’exposition (surfaces vieillies et traces d’humidité, éclai- rage terne d’un ascenseur de hall d’hôtel...), l’ensemble tendu par quelques dangereux disfonctionnements (câblages électriques en cuivre, télés de surveillance et réseau d’eau en circuit fermé). Une paroi vitrée laisse entrevoir une arrière salle inaccessible. Le spectateur se trouve partiellement intégré dans un dispositif visuel imposant et rejeté d’un espace à l’atmosphère d’une violence sourde.
Face à cet agencement minutieux, il est tenté d’adopter l’attitude d’un enquêteur explorant différentes hypothèses contradictoires. Ici, plusieurs activités ordinairement incompatibles semblent s’être croisées. Une certaine irrésolution naît alors d’un sentiment à la fois d’une radicale étrangeté et d’une familiarité avec la scène figée. Dans cet espace équivoque, toute logique linéaire est immédiatement désamorcée par divers glissements, ruptures et télescopages.Un cadre narratif ouvert est amorcé. Plus qu’un récit, une intrigue se noue entre les sculptures, les objets et les accessoires qui apparaissent comme les excroissances d’un système fictionnel. Dans cette scénographie au caractère illusionniste, tout objet devient un indice plus ou moins réaliste, articulant plusieurs scénarios possibles. Par un effet de réciprocité, le décor sert de caisse de résonance et d’espace de projection aux sculptures présentées.
L’exposition balance entre l’abstraction d’un espace de projection mentale et l’expérience physique d’une installation globale, jouant avec l’illusion d’un décor peu plausible. Dans Johnny vingt-trois, « les hiboux ne sont pas ce que l’on croit »...
Émilie Renard
SOURDE VIOLENCE par Guillaume Mansart
Il y a un plaisir étrange et tenace à aller à la rencontre d’une œuvre, une curieuse exaltation à pénétrer un espace comme on se rend à un premier rendez-vous, plein d’envie et d’appréhension. Craindre que tout dérape. Espérer que tout nous emporte. Entrer dans une exposition de Sarah Fauguet et David Cousinard apaise instantanément nos craintes esthétiques avant de nous immerger dans le magma d’un monde qui se referme derrière nous. La rencontre tient d’une plongée en apnée dans une eau trouble et épaisse. Et tout dérape, tout nous emporte. Leur œuvre généreuse n’habite pas l’espace, elle le retourne, le dépèce, l’empêche, elle contre la permanence du lieu pour le rejouer intégralement. Elle affirme une présence qui ébranle nos certitudes sur ce que l’on attend de l’art. À l’évidence, tout cela n’est pas un charmant rendez-vous, c’est une collision frontale qui marque les esprits.
À travers leur art, Sarah Fauguet et David Cousinard mettent en place des conditionnements qui répondent à ceux qui ont cours dans notre quotidien. Leurs installations se composent de volumes sculpturaux qui agissent à plusieurs niveaux comme autant d’accessoires ou de décors d’un univers complexe et profond. Leur vocabulaire plastique puise allègrement dans les formes architecturales, les pièces de mobilier et les motifs ornementaux, il joue du faux-semblant, de la patine et de la texture. Extraits de leurs contextes, tous ces « éléments similis » perdent leur échelle et s’assemblent sans complexe, ils se parasitent jusqu’à ce que la trace de leur origine disparaisse.
Checkpoint participe de la même envie de proposer une masse architectonique envahissante qui devient le point de rencontre de divers fragments (colonnes, vide-ordures, piercing...). L’installation, à l’esthétique « rétro futuriste », amalgame un ensemble de sculptures autonomes qui trouvent dans l’espace de ce poste frontalier d’urgence le lieu d’une cohabitation faisant sens, elles mettent en place la possibilité d’un récit. L’œuvre se pose dans l’exposition et contraint la déambulation du spectateur, empêche son passage. Elle affirme une présence autoritaire qui reproduit des systèmes de violence efficients dans la société. Ainsi, avec acuité, les ar tistes opèrent un cadrage sur le réel qui provoque le télescopage. Leur œuvre devient le catalyseur de forces de pressions, à travers le langage sculptural, elle réfléchi le monde dans la sourde violence de sa réalité.
Guillaume Mansart
Paru dans le catalogue Wheeel, Printemps de septembre, 2007
SAS (Version B) par Guillaume Mansart
Depuis le milieu des années 2000, Sarah Fauguet et David Cousinard élaborent un art dont le vocabulaire formel emprunte sans vergogne à l'architecture, au mobilier, à la science-fiction ou au décor de cinéma... Énoncer ces champs de références, pourtant, ne précise en rien la nature insaisissable, inquiétante, voire anxiogène, de la plupart de leurs œuvres. Il naît en effet de la rencontre de ces éléments hétérogènes, de leur hybridation, de leur assemblage contre-nature, un trouble tenace. Paradoxalement, leurs pièces se rattachent à un univers familier tout en s'affirmant comme des formes « fuyantes ». Sarah Fauguet et David Cousinard s'approprient autant qu'ils dépossèdent et ils composent avec la vraisemblance et l'insensé pour dessiner les contours d'une œuvre singulièrement mystérieuse.
À travers leur échelle, les installations et sculptures qu'ils créent rivalisent avec le monde, elles s'adressent résolument au corps, s'inscrivent sur le terrain de l'expérience physique. Les œuvres pénètrent l'espace, le requalifient, elles s'offrent au regard comme des jaillissements, des « éléments passages » opérant une percée dans une réalité qui se met alors à vaciller. Mimétiques et déviants, les volumes renferment le secret de leur apparition et de leur « activité », ainsi ils convoquent immanquablement l'imaginaire.
SAS (version B) a une présence étrangement massive et spectrale. Télescopant la forme simple d'une cabine d’ascenseur qui aurait été retournée sur elle-même, et des éléments plus architectoniques, l'œuvre impose sa puissante structure tout en se signalant, notamment à travers la texture mat de sa couleur noire, comme l'endroit d'une absorption. Ouverte sur deux de ses côtés, elle n'autorise que la traversée du regard. Si SAS (version B) paraît mettre en place les conditions d'un déplacement, elle renvoie également le corps à l’impossibilité d'une échappée. Et le sentiment d'une possible fuite, d'un possible enlèvement au réel, s'augmente de l'angoisse d'un isolement et d'un enfouissement à l'intérieur de ce véhicule architectural. La sobriété de son aspect général s'accorde à la composition orthonormée des lignes et des volumes qui l'ornementent. La sculpture, tout en développant une esthétique qu'on pourrait qualifier de futuriste, n'en reste pas moins attachée, dans son aspect général, à des éléments ordinaires. Diachronique, sans origine fixe (historique, géographique...), elle complexifie son appréhension directe et semble se situer dans un entre-temps inconnu.
Malgré sa présence remarquable, ce qui travaille l'art de Sarah Fauguet et David Cousinard se situe souvent dans le hors-champ de l'œuvre, non pas exclusivement dans l'espace réel (celui de la salle l'exposition), mais aussi sur le territoire de la fiction, de la projection mentale. Les artistes utilisent des schémas narratifs qui s'activent comme des scénarios, leurs pièces s’échafaudent en articulant tensions et ouvertures, en juxtaposant des volumes comme on monte une séquence, en pensant le mouvement, l'ellipse... Ils rejouent en sculpture les techniques d'écriture cinématographique ce faisant, ils produisent des objets débordant leurs propres limites s'offrant à travers leur facture implacable comme des situations à éprouver.
Guillaume Mansart
SATURNIA PIRY par Éva Prouteau
« Vêtu de velours marron et cravaté de fourrure blanche. Les ailes semées de gris et de brun, traversées d'un zigzag pâle et bordées de blanc enfumé, ont au centre une tache ronde, un grand œil à prunelle noire et iris varié, où se groupent en arc, le noir, le blanc, le châtain, Ie rouge amarante. »
Lorsqu'il décrit le Satunia Pyri, l'entomologiste Jean-Henri Fabre ne boude pas son plaisir devant la sophistication inouïe d'un papillon dandy hors-norme. Communément dénommé Grand Paon de nuit, ce visiteur nocturne aux ocelles hypnotique* ne s'alimente pas, et au terme de quelques jours d'existence, meurt après l'accouplement.
Histoire de l'œil. Fureur de vivre.
Mettre une chambre à coucher sous l'égide du Saturnia Pyri, c'est suggérer d'emblée une atmosphère lestée, un scénario un peu corsé entre thriller érotique au château et célébration tragique des mystères du monde. Sarah Fauguet et David Cousinard aiment les dispositifs qui ont à voir avec le récit, la mise en tension narrative : le duo comprime les espaces pour mieux resserrer le scénario, puis multiplie l'ambivalence des signes. S'il convie les formes à caractère autoritaire (blasons, étendards ou logos), c'est pour brouiller la clarté du message et faire l'éloge du doute ; s'il revisite les objets domestiques, c'est pour y injecter de la distorsion, des jeux d'échelle inquiétants ; et s'il use de techniques et de matériaux nobles, c'est pour en sur-jouer ou déjouer les connotations. Autre invariant dans la production de ces deux artistes : il s'en dégage un flottement intense, du à un ancrage temporel vacillant, et chaque objet y semble animé d'un duel intérieur, écartelé entre passé et futur lointains.
Ces flux d'hybridation et de stratification sont à l'œuvre dans la petite chambre conçue pour le Château du Pé. Le sol (comme souvent dans leurs installations) y est surélevé, et composé d'élégantes tomettes hexagonales de chêne massif. Dans ce plancher, deux battants de bois s'ouvrent comme une trappe et dévoilent un lit-cercueil fort accueillant pour visiteur en voie de mutation vampirique. En face, une cheminée monumentale dresse sa stature impressionnante, surdimensionnée dans le petit espace. L'objet, très cinématographique, procède d'un télescopage de styles et de matériaux : jambage qui force les arabesques de l'art nouveau, tablette marquetée qui reprend les motifs délicats des ailes du Satumia Pyri, mais aussi volumes géométriques rétro-futuristes et échappée de la hotte en reliefs brutalistes de ciment qui partent à l'assaut du plafond.
Omniprésentes, les essences de bois rivalisent de séduction, en clin d'œil aux boiseries précieuses des châteaux : ronce de noyer, loupe d'érable, bouleau madré, chêne des marais, chêne vert et fourche d'acajou entrelacent leurs textures raffinées, au poli parfait. Composite et léché, l'univers énigmatique de Sarah Fauguet et David Cousinard semble alors tout entier contenu dans cette chambre au pouvoir d'attraction surréel, et dans cette cheminée-papillon de nuit qui invite à se consumer d'amour à mort, en vol stationnaire au-dessus du temps.
Eva Prouteau
* Pour effrayer ses prédateurs, l’illusionniste Saturnia Pyri montre en effet ses « faux » yeux,
qui sont des yeux de vertébré.
Pour réserver Saturnia Pyri:
http://www.chateaudupe.fr/chambre_saturnia_pyri.html
Paru dans 303, catalogue Estuaire 2012
SI LOIN SI PROCHE par Daphné Le Sergent
Les dispositifs artistiques ont ceci de commun avec le cinéma qu’ils sollicitent la présence du spectateur comme charnière de l’œuvre. L’espace-temps de l’action cinématographique est comprimé, mis en boîte dans le montage, multiples plans, plan-séquence, travelling, champ/contre-champ, se succédant l’un à l’autre dans une cohérence que seul le regard peut rendre à la fluidité. De même, les dispositifs artistiques et les installations induisent une circulation au rythme des volumes et des sculptures mis en place, un feuilletage de points de vue sur l’œuvre dont la synthèse revient au public.
Le travail de Sarah Fauguet et David Cousinard, interroge ce rapport-là à l’image en mouvement. Les éléments sont étoilés dans l’espace d’exposition et invitent à une déambulation qui porte ces fragments épars dans des liens et des « raccords » effectués par le spectateur. Et ce processus est redoublé par la thématique des pièces qui rendent compte de passages : passage abrupt dans Johnny Vingt-Trois, 2005, environnement réalisé à Public, entre bureaux blancs administratifs et pièce de feu rouge dont on ne sait si elle est vouée à la torture ou à des jeux SM. Elévation de Sprave, 2006, autre environnement présenté dans une galerie de Sarajevo, où un caisson d’ascenseur est à demi-visible comme s’il avait été coincé entre le rez-de-chaussée où se tient la galerie et le niveau inférieur. C’est également une sorte d’ascenseur que l’on retrouve dans SAS, 2006, venant bloquer à moitié l’accès à la salle d’exposition de La Générale. Mais celui-ci se présente à la manière d’une cabine dont les parois sont aussi travaillées que celles d’un confessionnal d’église. Autre élévation. Passage encore avec la grande échelle de Jacob, 2006, s’étirant sur plus de six mètres et dont les pieds dissemblables, l’un convexe et rond, l’autre plat, ne peuvent finalement pas permettre l’ascension. Car si le travail de Sarah Fauguet et de David Cousinard investit l’entre-deux, le passage qui se joue dans l’image en mouvement, il ne s’en trouve pas moins confronté à tous les obstacles et les impossibles traversées auxquelles le cinéma nous fait échapper.
L’œuvre de Sarah Fauguet et de David Cousinard file l’univers cinématographique où la fiction aiguise constamment la réalité, tout y est possible, le désir se mue en dégoût, la salle chatoyante de Johnny Vingt-Trois en cloisons sanguinolentes. Dans leur travail, l’imaginaire investit les formes, distord les objets, métamorphose les silhouettes familières en d’étranges hybridations. Le protège-dents de boxeur est en bronze et perd toute nature fonctionnelle, les radiateurs sont en aggloméré, et les tuyaux – en bois – ne mènent nulle part. C’est comme si le cinéma travaillait la perception de l’intérieur, destituant l’image habituelle que l’on se fait des choses au profit d’un ailleurs qui semble toujours se déporter. Mais il y a toujours une frontière qui reste infranchissable, celle de l’écran de cinéma qui interdit la totale projection dans le spectacle, celle du matériau, le bois, le CP, l’aggloméré de leurs pièces, qui rappelle que ces environnements sont factices.
Si, au théâtre, l’ouverture et la fermeture des portes permettent la circulation des comédiens et l’inflexion du cours du récit, le cinéma fait vibrer d’autres portes, celles du montage. On ne passe plus, comme au théâtre, d’un décor à un autre, mais le fil de l’histoire s’écoule dans la traversée d’espaces mentaux. La porte qui bat dans l’Ange Bleu de Joseph von Sternberg est tout autant séparation entre la loge de Marlène Dietrich et l’espace scénique que la lisière vibrante entre les désirs des hommes et cet ange terrestre. Les battements des portes sont ceux des ailes qui attisent désir et convoitise. Les ailes du désir, de Wim Wenders, sont celles d’un autre montage, faisant osciller le regard entre la zone Est et la zone Ouest de Berlin. L’image cinématographique s’élève au dessus de la frontière, et dans les plans aériens qu’elle produit, se fait le présage de la prochaine chute du mur. Le cinéma fait du corps du spectateur le lieu d’une ubiquité, ou bien la jetée d’un envol vers l’imaginaire – Edgar Morin rappelant d’ailleurs que les deux grandes inventions laissées par le 19ème siècle restent le cinéma et l’aviation.
Mais les arts plastiques ne visent pas à un décollement de l’image et du support, au surgissement du visage de la star depuis un simple faisceau de lumière. Bien au contraire, ils cherchent à montrer comment l’image s’incarne dans le médium, comme elle fait corps avec lui. Les stars d’Andy Warhol, par exemple, présentent un visage déformé dans la solarisation conférée par la technique de la sérigraphie. Si dans les ailes du désir les anges traversent le mur aussi facilement que si ce dernier était de fumée, dans Checkpoint, 2007, de Sarah Fauguet et David Cousinard, une structure-blocus marquant une frontière, on nous rappelle qu’un passage entre deux pays, deux mondes, deux univers n’est jamais facile, aisé, gratuit. L’architecture de l’œuvre se déploie comme un tunnel large de deux voies de circulation automobile. Entre les deux routes, des colonnes d’inspiration gréco-romaine, aux fûts imposants, confèrent à l’ensemble la monumentalité d’un temple tandis que le revêtement intérieur évoque celui d’un vaisseau spatial. Des barrières obturent le passage et les plots, qui normalement balisent les voies, se retrouvent tous réunis sous cette arche désormais infranchissable. Le cinéma oublie les corps. Le travail de Sarah Fauguet et David Cousinard le place au centre. Si leur œuvre est passage, elle renvoie aux portes que l’on traverse au gré d’un mouvement, d’un poids, d’une matière qui sans cesse est freinée par les frottements, arrêtée par les obstacles, régulée par les taxes douanières ou les lois d’immigration, scellée par toutes nos frontières géopolitiques dont les fossés se marquent au plus profond des corps.
C’est pourquoi, dans leurs œuvres, le bois reste apparent, il est brut et ne cherche pas à disparaître de notre champ de vision. Ce n’est plus l’usage moderniste des matériaux prélevés tel quel dans l’environnement – où la structure de l’objet d’art ne va plus être façonnée, sculptée, moulée mais obtenue par l’agencement de ces matériaux. On se trouve ici devant une nouvelle façon d’aborder la forme que partagent de nombreux jeunes artistes. L’image entretient une réflexion vis-à-vis du médium pour dire comment les images nous habitent, comment elles nous tissent et nous constituent. Pandinus Imperador, 2007, présenté à la galerie Anton Weller, est un environnement quasiment fantastique, nourri par les souvenirs de films SF ou de guerre, tant l’assemblage des panneaux reprend la réticulation d’un mur composite à la Blade Runner, tant la porte du coffre-fort évoque les films d’espionnage, tant la colonne étalonnée par les plaques de CP qui la composent ressemble à une improbable vision, monolithe érigé de 2001 l’Odyssée de l’espace. En ce sens, le travail de Sarah Fauguet et David Cousinard pourrait apparaître anthropologique dans la façon dont ils explorent et reportent comment cet imaginaire pénètre notre mémoire et notre corps. Les grands dispositifs qu’ils mettent en place nous parlent d’un rapport du sujet et du monde, celui complexe, que l’on entretient avec l’image cinématographique et que Marcel Mauss avait déjà remarqué dans les années 50, en voyant la façon dont les jeunes françaises modifiaient leur démarches, influencées par les films hollywoodiens. Il parlait déjà de techniques du corps, sans qu’intervienne la notion d’outil. Si Sarah Fauguet et David Cousinard opèrent un laborieux travail sur le matériau, généralement le bois, ce n’est pas dans l’affirmation d’un point de vue technique sur l’art, mais par rapport à une connaissance relative à une « intranquilité », désenchantement d’un monde où rien n’est éther, rêve, utopie, dérision amère du poids des choses, dont la pesanteur se fait oublier dans le cinéma, mais qui se précipitent inéluctablement dans notre corps.
Et c’est notre rapport à l’œuvre qui à son tour est mis en question. L’errance qui est appelée dans les dispositifs n’est pas un glissement permettant d’obtenir le plus de points de vue possibles sur l’œuvre. Elle est interpellation. Avez-vous déjà vu cette image ? Pensez-vous reconnaître cette porte, cet ascenseur, ce baptistère, ce coffre-fort dont la manufacture semble l’inscrire dans un décor de cinéma ? De quel souvenir procède-t-il et surtout quelle est la morsure du corps qui y est associée ?
Daphné Le Sergent, le 22 novembre 2007
Paru dans la critique.org
EMAIL : CONTACT@FAUGUET-COUSINARD.COM
EXPOSITIONS PERSONNELLES :
2014_ Acid Rain, In Extenso, Clermont-Ferrand
The Residents, Le Voyage à Nantes-Musée des Compagnons, Nantes
Ceci était, Ceci n'était pas/Part I, Les Turbulences-FRAC Centre, Orléans
Ceci était, Ceci n'était pas/Part II, CHD Daumezon, Fleury les Aubrais
2013_ Just beside, I prefer, galerie Joseph Tang, Paris
2011_ Life Is (not) Beautiful, Galerie de l’ École des Beaux-Arts de Châteauroux
We Can Never Go Back To Manderley, 40mCube, Rennes
Run Silent, CAC Passages, Troyes
2009_ Time Line, Tripode, Rezé
2008_ The habitation of the spider, le Duplex, Sarajevo
2007_ Pandinus Imperator, Galerie Anton Weller, Paris
2006_ Sprave, Galerija 10m2, Sarajevo
2005_ Johnny Vingt-Trois, >Public, Paris
EXPOSITIONS COLLECTIVES :
2014_ Double Jeu, Les Turbulences-FRAC Centre, Orléans
2013_ L'Art dans les Chapelles, Chapelle Loc Maria, Séglien
7777, Château de Kerpaul, Loctudy
2012_ Run Deep/Run Silent, Palais de Tokyo
Domesticus, Plateforme, Paris
7776, Château de Kerpaul, Loctudy
Stock Option Chap. II, Galerie Jeune Création, Paris
2011_ Estuaire, Chateau du Pé, Saint-Jean de Boiseau
Parades, Abbaye de Tanlay , Tanlay
2010_ L’état de Surface, Les Instants chavirés, Montreuil
Le décor à l’envers, Théâtre National de la Filature, Mulhouse
2009_ Hôtel Dieu, Tonnerre
2008_ Et pour quelques dollars de plus, Fondation Ricard, Paris
Pierre Courtin, Collection 10m2, Oui, Grenoble
Les David d’or, Paris
West, La Générale en manufacture, Sèvres
On est tellement bien, Galerie de la Friche, Marseille
2007_ Armageddon,  , Sèvres
Wheeel, Printemps de septemcbre, Musée des Abattoires,Toulouse
Dadada, Hammam Cejvan Cehaja
Mostar Ambassy,  , Paris
Strategy,  , Paris
2006_ Hradacany, la Galerie, La Générale, Paris
Guet-Apens, la Galerie, La Générale, Paris
La Position du tireur couché, Le Plateau, FRAC Île de France, Paris
Art Force, Galerija 10m2, Sarajevo
2004_ Presque, L’Impasse, Paris
2002_ L’Art c’est secondaire, Musée des Beaux-Arts de Paris
RÉSIDENCES ET BOURSES :
Résidence au C.A.C Passages, Troyes, juillet _ décembre 2010
Aide individuelle à la création, DRAC Île de France _ 2008
Aide à l’installation, DRAC Île de France _ 2006
Aide à la première exposition, ENSBA _ 2005
Aide à la première exposition, département des Affaires Culturelles de la Mairie de Paris _ 2005
COLLECTIONS PUBLIQUES :
FRAC Centre
FRAC Midi-Pyrénées
Fond départemental d’Art Contemporain d’Ille et Vilaine
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